Atout mai(t)re, dans le nouveau visage territorial qu'on nous façonne?
Les députés ont laissé en rase campagne les élus ruraux
Avec l’affaire de la taxe professionnelle, les députés avaient enfin une occasion rêvée de montrer qu’ils incarnaient la souveraineté populaire, face à un exécutif dont une bonne partie – et notamment la ministre en charge du dossier – n’est pas élue et a montré en plusieurs circonstances qu’elle n’avait, à l’évidence, qu’une sensibilité assez faible aux questions de finances locales. Même s’il faut rendre l‘hommage qu’ils méritent aux députés qui, eux, connaissent parfaitement le dossier et se sont vaillamment battus (au premier rang desquels le quatuor Carrez-Migaud-Balligand-Laffineur), on ne peut que regretter qu’une fois de plus, l’action publique locale ne soit sacrifiée aux injonctions d’un patronat d’autant plus arrogant qu’une campagne électorale se prépare en son sein et qui dispose au plus haut niveau de l’Etat d’une oreille autrement plus attentive à ses humeurs que n’en dispose la grande masse des élus locaux, de plus en plus inquiets pour la survie des territoires de France.
L’Association des maires de France et les autres associations d’élus l’ont dit avec force dès le départ : l’existence d’un barème progressif de cotisation à la valeur ajoutée, dans le cadre de la « cotisation complémentaire », était totalement incompatible avec la « territorialisation » de l’impôt que nous demandions parce qu’elle était constitutive du lien entre l’entreprise et le territoire. La valeur ajoutée produite doit être taxée de la même façon et avec le même taux dès le premier euro. D’abord parce que c’est juste. Ensuite, parce que cela évite les fameux effets d’aubaine. Enfin, parce que c’est la seule façon de garantir aux collectivités locales une ressource équivalente, à valeur ajoutée produite équivalente sur le territoire, quel que soit le tissu des acteurs économiques. Avec la situation actuelle, une communauté de communes disposant de 10 entreprises réalisant chacune un faible chiffre d’affaires percevra beaucoup moins d’impôt que celle disposant d’une seule entreprise réalisant un chiffre d’affaire plus important, à valeur ajoutée égale. Un engagement « imbécile » pris à l’égard des PME, dit-on. Des PME qui, sur le terrain, n’en demandent pas tant. Un système absurde, inéquitable pour les entreprises comme pour les collectivités, et sans aucun doute voué à un échec retentissant. Et, surtout, meurtrier pour les collectivités de petite taille qui accueillent généralement des petites entreprises. La presse ne s’y est pas trompée, qui parle de « ruine » des communes rurales ou de « capitulation » des députés. Jour après jour, les libertés locales sont grignotées, encadrées, et le renforcement du Parlement apparaît de plus en plus comme un leurre. Tout ceci est autrement plus grave qu’une certaine affaire, qui a déclenché une tempête médiatique. Mais qui s’en soucie aujourd’hui ?

A propos de la TP :
Sur la "compensation" ensuite. Mensonge. Dans le texte actuel, le taux retenu pour calculer la compensation totale, collectivité par collectivité, est le taux de taxe professionnelle de 2008 appliqué aux bases calculées sur les données 2010. Autrement dit, les collectivités locales perdront l'effet de l'augmentation des taux de 2009. On ne le répétera jamais trop : il n'y a pas compensation intégrale, y compris pour 2010. Mais, et c'est une autre preuve de l'absence de compréhension de la ministre, ce n'est pas seulement de compensation financière dont les élus parlent. C'est aussi, et c'est surtout, de compensation de pouvoir fiscal. Et là, le compte n'y est absolument pas. A une ressource fiscale sur le taux de laquelle les assemblées locales avaient une capacité d'influer (même si cette capacité était "bordée"), le texte substitue une ressource figée, dépendant de la seule décision de l'Etat, à hauteur de 80%.
Sur les simulations: Manipulation. Ce que nous demandons à cor et à cri depuis des mois, ce n'est pas que chaque maire appelle le cabinet de la ministre pour connaître ses propres chiffres et au passage subisse le discours propagandiste sur l'avenir de l'industrie française. Celui-là, on le connaît, on l'a compris, et personne ne le conteste (encore qu'il y aurait beaucoup à dire sur l'attitude des grands groupes ...). Ce que nous demandons, c'est que les associations de collectivités locales disposent d'un état des lieux complet des conséquences de la réforme sur les ressources futures et la capacité fiscale, en 2010, 2011 et au-delà, catégorie par catégorie, région par région, etc ... Cette incapacité du pouvoir central à considérer les pouvoirs locaux comme dignes de s'organiser et de tenir un discours cohérent ensemble, cette volonté de diviser pour mieux imposer sa volonté va à l'inverse de ce qui serait nécessaire dans l'état actuel du pays.
Aveu inimaginable: plein de morgue et de mépris à l'égard de tous les élus locaux : "nous n'avons pas à organiser la féodalité" ! Un aveu relevé et finement analysé dans la remarquable tribune de Claude Askolovitch, dans la page d'en face ! Lire cela dans la bouche d'un ministre de la République décentralisée, c'est proprement stupéfiant. Oui, décidément, le congrès des maires de 2010 sera le congrès de tous les enjeux !